Chaque fois que je suis dedans, je me demande comment j'ai fait pour me faire piéger une fois de plus...
Pour les connaisseur, le bus de nuit est une sorte d'anti-madeleine de Proust qui vous fait dire que ça a des bon côté de vieillir...
Comment s'y retrouve-t-on?
La soirée bat son plein. Aux alentour de 23h, on rigole, on picole! Mais vers 2h du mat', tout le monde (les parisiens, les vrais) se barre... Il est temps de songer à regagner vos pénates. Vous, banlieusard, vous êtes un peu pris au dépourvu. Si vous aviez su, vous auriez pris le dernier train... Celui de 00h35. Mais, comme d'habitude, pris dans la fête, vous n'avez pas anticipé.
2h du matin. Ca y 'est, tout le monde est parti. Vous sortez de chez votre pote, seul, livré à vous même. Il vous reste deux choix : attendre la premier train à 5h20 ou prendre le bus qui met 2h à vous ramener à la gare située à 20 minutes à pied de chez vous... Autant choisir entre se faire raser un sourcil et manger la vieille pizza qui traine dans la vitrine du Grec depuis plusieurs jours...
Après quelques minutes d'hésitation, le deuxième choix sonne comme une évidence. Ce sera non pas la pizza, mais bel et bien le bus de nuit pour ce soir.
On marche frénétiquement jusqu'à l'arrêt. C'est un bus qui passe aléatoirement entre 10 minute avant l'heure indiquée et 20 minutes après. Il faut être là-bas en avance. Si on le rate, on gagne 1 heure de colle, c'est à dire une heure de plus à attendre le prochain... Déjà, pour les non initiés, trouver l'arrêt peut s'avérer être une chasse au trésor. Mais, une fois dans les alentours, on le repère facilement au nombre de "cadavres" gisant sur le trottoir. Nombreux sont ceux qui font une sieste... ou un coma en attendant l'arrivée de la voiture balai.
Le bus arrive. Il est plein à craquer. Tout le monde se rue vers la porte avant. Il faut être stratégique pour dégotter une place... A l'intérieur, à peine arrivé à la moitié du véhicule, ça pue déjà le vomi. Bon, on continue à avancer en espérant dépasser l'odeur. Là, d'autres passagers nous disent gentiment "si j'étais toi, j'irai pas plus loin: y'a quelqu'un qui a vomi au fond du bus". Ok, merci, ça venait donc du fond... On revient vers l'avant, on voit une place libre, on s'assois, satisfait... On se dit qu'il n'y a plus qu'à prendre son mal en patience. Sauf que l'odeur devient de plus en plus persistante. On regarde par terre, on se rend compte qu'on a les pieds dans le vomi du gars d'à côté qui pionce salement... Bordel! On se lève en sursaut. C'est une cellule de dégrisement ici.
Le chauffeur signale gentiment mais fermement que tout le monde doit être assis... Un gentil groupe de jeune vous propose un strapentin. On se croit sauvé, mais souvent on tombe sur des mecs qui sont très loins... Complétement bourrés, ils vous posent un tas de questions cons "t'es en quelle terminale?" "tu connais thibaut Dupuis? C'est l'ex de Margot" "tu joues en équipe 1 ou en équipe 2"... Gentiment, on rentre dans son jeu, flatté d'être rajeuni de la sorte...
Malgré la relative douceur automnale, toutes les fenêtres sont ouvertes et les chauffages sont à fond. On sue dans notre manteau. On a hâte de sortir. Le bus se vide, se rerempli. Comme vous, plusieurs personnes s'essaient à LA place vide du bus, puis se lève au bout de 10 secondes. Au bout d'un moment, le chauffeur se décide à agir. Peut-être que l'odeur du vomi a enfin atteind son nez ... Peut-être qu'il se dit que si personne ne nettoie ce vomi, c'est lui qui devra s'en charger au dépôt... Il se lève et va voir l'ivrogne qui dort. S'en suit un dialogue magnifique...
"- C'est toi qui a vomi?
- Non
- Pourquoi t'as du vomi sur ton manteau alors?
- Je sais pas, laisse moi tranquille, c'est pas moi!
- Tu veux dire que quelqu'un t'as vomi dessus, est parti et toi t'as continué à dormir?
- J'en sais rien
- Bon tu vas nettoyer, comme un grand garçon
- T'es malade! Je ne nettoie rien! "
Devant le refus du passager, le chauffeur décide qu'il ne redémarrera pas avant que le vomi soit nettoyé... Tout le bus décide alors de s'en prendre au pauvre malade. Devant la vindicte populaire, les insultes et les menaces, il quitte le bus plutôt que de nettoyer les dégats. Un courageux se lève, fatigué d'attendre, il prend le sable, le balai et nettoie rapidement...
Le bus redémarre, puis se vide. Je suis tout seul dans le bus depuis un moment quand il arrive à ma gare. Il est 4h05, dans 20 minutes je suis au lit...